Achevant un projet de restructuration et d’extension de son centre-bourg, la commune de L’Hermitage engage aujourd’hui une opération d’aménagement visant à maîtriser son développement urbain en permettant un rééquilibrage côté sud. Projet d’extension urbaine, il intègre des terres agricoles dont une partie est vouée à accueillir de futurs logements et des espaces publics. Une partie du site conservera son usage agricole mais dans des formes qui permettent une interaction avec le tissu urbain.
On dépasse ici le principe de dédommagement.
Entretien avec Annelyse Ferré, chargée d'études aménagement et urbanisme à la Chambre d'agriculture de Bretagne, et Aurélie Lajoie, chargée d'animation territoriale
Nous sommes un organisme ressource pour les agriculteurs, à toutes les étapes de leur carrière. Certains d’entre nous ont par ailleurs une mission de développement local, en lien avec les politiques d’urbanisme et d’aménagement du territoire. C’est sous cette casquette que nous intervenons aux côtés des collectivités et des aménageurs, dans le rôle d’un bureau d’études. C’est donc naturellement que nous avons développé une mission d’accompagnement sur la mise en place du principe ERC (Eviter – Réduire – Compenser).
Il s’agit tout d’abord de définir un périmètre d’étude, qui n’est pas celui du projet urbain. C’est le périmètre que le projet urbain risque de perturber. Dans le cadre de l’étude ERC de L’Hermitage, le périmètre englobe 6 communes et les agriculteurs qui y exploitent des terres. Parce qu’un exploitant qui perd des terres va chercher à en retrouver là où il en exploite déjà. Ici, nous nous concentrons sur le « R » de l’étude : réduire avant tout.
A L’Hermitage, le travail de Territoires et de son urbaniste a consisté à un effort de densification et de renouvellement urbain. L’agriculture est associée à l’étude à partir du moment où il y a préjudice. Nous mettons alors en place un comité de pilotage élargi. Aux côtés des élus et de l’aménageur, nous étudions avec les agriculteurs des mesures compensatoires collectives propres au périmètre défini. On dépasse ici le principe de dédommagement ou de simple compensation foncière pour prendre en compte de façon systémique la perte de valeur ajoutée agricole. Nous utilisons deux méthodes de calcul et ressortons une moyenne pour modéliser cette perte de valeur ajoutée. Nous en déduisons une somme à réinvestir sur le territoire concerné.
L’objectif est ensuite de faire la part des choses entre intérêts individuels et collectifs. Les mesures compensatoires collectives sont diverses : achat de matériel en commun, lieu de commercialisation, projet de méthanisation, installation de panneaux photovoltaïques…
Sur le Secteur sud de L’Hermitage, la commune a retenu deux principales mesures compensatoires : le projet d’aber agricole et les échanges parcellaires. Pour les élus, l’enjeu est aussi la transmission des terres agricoles, une des réponses au vieillissement de la commune. Un ou trois agriculteurs pourraient s’installer via ce projet d’aber, pour y développer une activité de maraîchage ou d’élevage.
C’est un travail de co-construction avec les agriculteurs inscrits dans le comité de pilotage et de futurs porteurs de projet. Le but est de définir un projet viable économiquement et tourné vers le citoyen, un véritable espace de connexion entre le néo-rural et l’agriculture.
On a donc réuni tous les agriculteurs de L’Hermitage et les agriculteurs des communes alentours qui ont une habitude de travail collectif. Cela correspond à une quinzaine d’agriculteurs qui s’expriment ensemble sur leurs besoins, leur projet collectif. C’est une reconnaissance de la valeur économique de la terre agricole. Il faut désormais trouver comment faire mieux avec moins de surface foncière. Il est donc logique que les aménageurs aient une contribution financière pour porter cette réflexion et dégager une nouvelle valeur agricole. Cela permet aussi de connecter ces enjeux avec ceux de la qualité de l’eau, de l’air et du renouvellement des générations, mais aussi avec les politiques alimentaires des collectivités.
Dans ce processus, nous sommes des facilitateurs, nous travaillons avec les propriétaires et les exploitants. C’est un long travail de médiation et de méthode, qui est d’ailleurs regardé de près par la commission départementale de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers (CDPENAF), une instance créée par la loi LAAF de 2014. On est encore dans l’exploration, dans l’ajustement des méthodes. Mais la commission veille à ce qu’il y ait bien eu concertation et que ses résultats aient du sens pour les agriculteurs concernés.
En 2020, un travail d’AMO se poursuivra aux côtés de Territoires, avec ou sans nous, pour engager l’appel à projets, identifier les candidats et faire l’analyse des propositions. C’est très innovant pour nous, il n’y a pas d’autres projets agricoles de ce type dans les projets d’aménagement que nous accompagnons.
Sur la base de cette expérience, nous essayons de construire une boîte à outils pour les aménageurs, notamment sur la concertation avec les agriculteurs.