© Arnaud Loubry
Symbole de l’aboutissement de plus de 30 ans d’aménagement, l’inauguration du Parc de Beauregard-Quincé a réuni près de 200 personnes en juin dernier venues (re)découvrir ce milieu naturel aux équipements proposants différents usages : sportifs, jeux et divertissements, repos ou observation avec la réalisation de passerelles, de terrasses bois et de hamacs.
Retour sur 30 ans d’histoire de Beauregard avec Philippe Clément, chef de projets en charge de l’aménagement du quartier depuis ses débuts à Territoires.
Aménager selon la mémoire du territoire
« A mon arrivée en 1998, Beauregard livrait ses premiers logements. Déjà, la ville de Rennes nous confiait cette mission avec la volonté de s’adapter aux exigences du site et de respecter le paysage originel composé de ses haies bocagères, ses arbres centenaires, ses chemins creux préservés, ses fossés et talus agricoles, ses prairies humides, ses trois ruisseaux… »
Conçu sur le dernier secteur intra-rocade dépourvu d’urbanisation, Beauregard était précurseur d’une démarche de Haute Qualité Environnementale (HQE), avec l’urbaniste Loïc Josse et la paysagiste Jacqueline Osty. Son raccordement au réseau de chauffage urbain et une recherche constante d’économies d’énergies en sont les premiers marqueurs.
« Imaginer que tout un quartier de près de 5 500 logements serait raccordé au réseau de chauffage urbain était un geste environnemental important. En tant que dernier secteur d’extension urbaine de la ville, ce projet « énergétique » représentait une innovation en soi, confirmée par la préservation du site, le « géni du lieu » et ses traces du passé avec les haies bocagères et la topographie naturelle.
Côté formes urbaines, les premières livraisons sont des programmes collectifs, ils côtoieront par la suite des maisons de villes et de plus grandes émergences permettant d’assurer une mixité sociale et d’usages, et une densité nécessaire intra-rocade. La relation avec les riverains puis les habitants et usagers du quartier s’est élaborée au fil des années en même temps que le projet naissait, que les équipements apparaissaient. »
Faire quartier : le rôle du parc, des commerces et des équipements
« En 1998, nous commencions déjà à dessiner le parc de Beauregard. On l’imagine alors sur le point haut de Beauregard, en référence à son nom. En 2001, il est finalisé. L’idée première consiste à relier les cheminements du quartier au travers de cette nouvelle centralité qu’est le parc, donc à organiser les flux autour de cette centralité pour qu’ils soient visibles et mieux compris. En parallèle, l’école Sonia Delaunay accueille ses premiers élèves, la place Aulnette ses premiers commerces, et le quartier s’anime véritablement autour de ces nouvelles destinations. Le quartier n’est plus considéré comme uniquement une juxtaposition d’îlots résidentiels. Avec ces différentes destinations, il atteint une nouvelle dimension. »
Les équipements de Beauregard sont nombreux, et répondent tous à la volonté d’accueillir des publics mixtes, de créer des synergies et des échanges. Dès 2010, la Maison du parc (précédent Le Cadran – Maison de quartier de Beauregard) ouvre ses portes, puis le Frac Bretagne en 2013, à proximité des alignements du XXIème siècle d’Aurélie Nemours, et les Archives Départementales, offrant un rayonnement important au quartier.
© Yohann Lepage
La qualité architecturale : des gestes environnementaux et précurseurs
« Tout commence avec la résidence « Salvatierra » dans les années 2000 répondant à des principes bioclimatiques performants ainsi qu’à l'utilisation de matériaux écologiques : mélange de terre crue et de paille, qui assure une stabilité des températures grâce à sa forte inertie thermique.
Une première dans l'habitat collectif, à cette échelle, en Bretagne !
Cette expérimentation environnementale, recherchant des économies d’énergies et l’emploi de matériaux biosourcés, se retrouvera dans l’ensemble des tranches opérationnelles du projet urbain, jusqu’à aujourd’hui où les jardins des cœurs d’îlots sont aménagés en pleine terre pour la récupération des eaux pluviales et participent au rafraichissement de l’air ambiant, où encore à l’exemple de nouveaux programmes en mixte bois-béton tels que l’Ile ô Bois et Arboretum.
Cette qualité architecturale appréciée, s’articule aujourd’hui autour de deux parcs en réseau, le parc de Beauregard-Quincé visant à conserver les écosystèmes existants et révéler des milieux naturels à travers la topographie actuelle accompagnée d'une grande campagne de replantation d’espèces indigènes (plusieurs milliers d'arbres et arbustes ont été plantés). Une nouvelle zone humide a aussi été créée permettant d'améliorer la qualité des sols et de l'eau. »
© Arnaud Loubry
Aujourd'hui, le quartier Beauregard regroupe :
habitants
logements livrés
sur 3 500 pour Beauregard
logements livrés
sur 1 400 pour Beauregard-Quincé
hectares
de parc central
hectares
de parc champêtre
tiers-lieu agricole et culturel
Les Fermes de Quincé
Beauregard tourné vers La Porte de Saint-Malo
Déjà dessinée à la fin des années 1990, la ZAC Porte de Saint-Malo (dans la continuité des ZACs Beauregard et Beauregard-Quincé) prévoyait à l’origine une grande partie de programmation tertiaire.
« Au fil des échanges, la Porte de Saint-Malo, considérée comme une des vitrines de Rennes, de par sa position en entrée de ville, entend concilier le respect de la nature avec la création de logements, de bureaux et d’un troisième parc sur le quartier. C’est avec Claire Schorter et l’Atelier Georges que nous travaillons, en conservant une part d’expérimentation environnementale poussée, à restructurer les fils verts entre les parcs, pour relier les habitats entre eux, les usagers, via des modes doux : piétons et cycles essentiellement. Dans une logique de renouvellement urbain cette fois, cette dernière partie du projet urbain de Beauregard s’attachera également à renaturer les sols, pour recréer de la terre végétale par exemple. A l’image des activités déjà menées sur le quartier Beauregard depuis ses débuts, nous sommes guidés par une démarche globale « bas carbone », utilisant des matériaux biosourcés, intégrant les eaux pluviales à la source (noues, toitures végétalisées, matériaux perméables, etc.) et sensibilisant les habitants à la préservation de ces ressources.
Un dernier mot ?
« J'aime ce quartier pour son côté expérimental et novateur. Il a permis de tirer vers le haut un certain nombre de sujets émergeants, à l’image du programme Le Cours des Arts par exemple, avec des pièces communes, des ateliers d’artistes, un jardin partagé et un habitat favorable au vieillissement.
Beauregard est un quartier dessiné il y a plus de 30 ans, et pour autant même sans labellisation, on peut parler d’un quartier durable aujourd’hui. Il fait la part belle à l’art dans la ville, à la préservation de la biodiversité, à la concertation et au lien créer avec les associations de quartier, mais aussi à des expérimentations environnementales sans cesse renouvelées.
C’est un quartier dense qui garde l’esprit de son lieu originel. Il nous a permis d’être force de proposition en tant qu’aménageur, d’interroger l’acte de construire et/ou d’aménager l’espace public à des échelles diverses. »
© Matthieu Channel