L’idée est de proposer à Beauregard la création d’un « tiers-lieu agricole »
Entretien avec Ugo Le Borgne, conducteur d’opérations
au sein du Pôle Ingénierie et Services Urbains
Direction des Jardins et de la Biodiversité - Ville de Rennes
"Au sein de la Direction des Jardins et de la Biodiversité de la Ville de Rennes, je suis devenu le référent en matière d’agriculture urbaine, terme énigmatique qui englobe des situations très différentes. J’ai participé à un groupe de travail interministériel qui a défini des typologies d’agriculture urbaine.
Dans ma pratique, je sépare bien l’agriculture urbaine du jardinage : je me concentre sur les projets d’agriculture professionnelle en ville, bien que des passerelles puissent ensuite exister avec le jardinage.
La principale différence avec les projets agricoles classiques réside dans le rôle que se donne la collectivité : mettre à disposition du foncier adapté à l’agriculture en milieu urbain. Notre objectif au sein de la Ville de Rennes est d’identifier des parcelles intéressantes, de les mettre à disposition de porteurs de projet puis d’assurer leur accompagnement sur les plans administratifs, juridiques, techniques et économiques.
C’est un dispositif de facilitation qui nous a déjà permis d’accompagner différents projets sur le secteur de la Prévalaye (Perma G’Rennes, Jardin des Mille Pas), sur le quartier du Blosne (les Cols Verts) ou encore à Baud Chardonnet (Garden Partie).
En lien avec la fin de l’aménagement du quartier Beauregard, nous avons été contactés par Territoires. Philippe Clément, chef de projets, s’interrogeait sur la vocation agricole d’une partie des espaces naturels situés au nord du site, comprenant les Fermes de Quincé et une surface cultivable d’environ 4 hectares. Les études de sol ont montré que les terres étaient saines, ce qui n’est pas toujours le cas en milieu urbain. Par ailleurs, les fermes de Quincé sont dans un état plus que correct, exploitables très rapidement, moyennant quelques menus travaux.
Nous avons donc proposé de lancer un Appel à projets sur le modèle de celui que nous avions engagé quelques années auparavant sur la Prévalaye et qui a permis de sélectionner des projets viables économiquement et ouverts sur la ville. L’exploitation de Mickaël Hardy (Perma G’Rennes), par exemple, assoit son modèle économique sur trois activités : un tiers de production maraîchère en permaculture, un tiers de production de semences biologiques et un tiers d’accueil du public et de formation.
À l’instar de la Prévalaye, l’idée est de proposer à Beauregard la création d’un « tiers-lieu agricole » reposant sur un modèle économique pérenne et tissant du lien avec les habitants de Beauregard et d’ailleurs. Malgré l’originalité de ce type de projet, beaucoup de candidats se sont manifestés, avec des profils et des compétences hétérogènes. Cela prouve que nous assistons à une évolution des pratiques agricoles. Sur le plan administratif, nous associons souvent la création d’une SCIC* regroupant les porteurs de projet et la collectivité et la mise en place d’un bail emphytéotique. Mais d’autres méthodes sont possibles.
A Beauregard, la situation est plus simple car les bâtiments et terres agricoles nécessitent très peu d’intervention avant le démarrage de l’activité. La SCIC ne sera pas forcément le modèle de société choisi in fine. Si le porteur de projet retenu est autonome sur la prise en charge des travaux, un simple bail précaire pourra être mis en place, son caractère précaire nous laissant juste la possibilité d’intervenir si le projet ne fonctionne pas au bout de plusieurs années. Sur cet appel à projets, nous avons lié les sujets agriculture et culture. Toutefois, la viabilité économique du projet est étudié uniquement sur le plan agricole pour s’assurer que cette dimension aura bien toute sa place. On peut imaginer une activité de maraîchage, éventuellement couplée avec un peu d’élevage.
La relation aux habitants pourra s’appuyer sur l’aménagement du futur parc champêtre voisin, en imaginant par exemple la culture partagée de plantes comestibles et sauvages sur certaines parcelles.
Pour faire le choix du porteur de projet, il faut mettre tout le monde autour de la table et dépasser les aprioris d’une partie du monde agricole sur ces nouveaux agriculteurs. Une commission pluri-disciplinaire intègre donc les collectivités, la Chambre d’agriculture et les CIVAM (Centre d’initiatives pour valoriser l’agriculture et le milieu rural).
Il nous restera aussi à faire évoluer le cadre juridique de ces projets, en tentant de dépasser le modèle des baux précaires. Nous avons démontré que ce type de projet n’était pas la mer à boire et supposait très peu d’investissements. Nous travaillons sur des études juridiques pour imaginer d’autres modèles, pourquoi pas des baux ruraux agricoles intégrant des périodes d’essai."
* Breizh Bocage : Breizh bocage est un programme destiné aux collectivités et associations visant l'amélioration du maillage bocager de leur territoire.
L’appel à projets « agriculture urbaine » de Beauregard
en quelques mots
- Le site : un corps de ferme sur un terrain d’environ 1 200 m² et une quinzaine de parcelles autour de ce bâtiment
- L’objectif : conserver le caractère agricole et culturel du lieu en l’ouvrant à des propositions inscrites dans le prolongement des activités menées à Beauregard (maraîchage, permaculture, éco-pâturage, événements culturels et festifs) en lien avec l’économie sociale et solidaire et les circuits courts
- Un appel à projets lancé en septembre 2019
- Une installation pour 2021